Dialogue entre art et science
© Coralie Lèguevaque
Dialogue entre art et sciences
magazine PUNCH / Muséum de Toulouse
octobre 2022
Renaître animal est la première création d’une nouvelle compagnie, Loup-garou parking, dirigée par Coralie Lèguevaque et Philippe Fauré. Dans ce spectacle, inspiré de la Préhistoire et notamment des travaux de Carole Fritz et Gilles Tosello, tous deux préhistoriens, les arts s’entremêlent : danse, marionnette, musique et théâtre.
Rencontre avec Coralie Lèguevaque, artiste, et Carole Fritz, chercheure au CNRS et spécialiste de l’art de pariétal.
Pourquoi avoir nommé votre compagnie Loup-garou parking ?
Coralie L’oxymore qui relie le loup-garou et le parking illustre à merveille la relation humain/animal que je souhaite explorer dans notre travail. D’un côté, le monde rêvé de nos origines, représenté par un être tout droit sorti des contes, et de l’autre, le monde d’aujourd’hui qui va droit dans le mur. C’est l’entre-deux dans lequel je me sens exactement en tant qu’artiste.
Quelques mots sur votre premier spectacle Renaître animal ?
Coralie Je me souviens d’une conférence marquante de Jean Clottes quand j’étais aux Beaux-arts, peut-être que tout est parti de là. Son livre (écrit avec Daniel D.Lewis) « Les chamanes de la Préhistoire » est depuis longtemps une grande source d’inspiration. J’ai rencontré Carole Fritz et Gilles Tosello [NDLR : Artiste plasticien et préhistorien] alors que l’idée du spectacle commençait à prendre forme. Nos échanges ont nourri mon imaginaire et de là est née une rêverie autour du rapport dansé entre des humains et des animaux disparus, tels que le rhinocéros laineux et l’ours des cavernes.
Carole Ce qui est passionnant dans Renaître animal c’est que Coralie et Philippe [NDLR : Philippe Fauré à la dramaturgie, écriture sonore et mise en scène] interprètent le paléolithique, et plus largement les sociétés sans écriture, dans un spectacle empreint d’anthropologie et d’éthologie*.* Étude du comportement des espèces animales.
Qu’est-ce qui est inspirant dans l’art pariétal ?
Carole La production des images au paléolithique n’avait pas de visée
artistique, mais sociétale. Ces peintures sont là pour transmettre des mythes.
Cela ne veut pas dire qu’il n’existait pas déjà une conscience du beau, car on
constate que tout le monde ne dessinait pas ; c’était réservé aux plus doués.
Ce qui me passionne dans l’art pariétal, c’est de porter un regard
d’anthropologie sociale qui permet d’émettre des hypothèses.
Coralie Quelque part, nous nous posons les mêmes questions. À quoi pensaient les hommes préhistoriques ? N’étaient-ils pas seulement des animaux parmi les animaux ? Quel était leur rapport au monde et aux animaux ? Dans les sociétés animistes, quelle est la frontière entre la réalité et l’imaginaire, entre les animaux et les humains ?
Vous diriez-vous toutes les deux artistes ?
Carole Je ne suis pas une artiste, mais je baigne dans l’art et l’histoire de l’art depuis des années. Déjà ma thèse portait sur les techniques de gravure sur os et j’ai ensuite passé 12 ans dans le laboratoire de recherche des musées de France.
Avec Coralie, nous avons des questionnements communs : nous nous interrogeons toutes deux sur le sens possible de la production de l’image. Comment l’art peut faire réfléchir la science et vice versa.
Coralie L’approche scientifique de Carole requiert une sensibilité indispensable pour se poser certaines questions. La beauté, l’esthétique sont des données immédiates de l’art pariétal, qui échappent à tout raisonnement, et on ne peut en faire l’économie si on veut étudier ces images. De mon côté, je prends appui sur des données scientifiques parce-qu’elles sont porteuses de visions inédites pour moi. Après, en tant qu’artiste, j’ai la liberté de les utiliser comme je l’entends. Dans la recherche sur l’art pariétal, il n’y a que des hypothèse, et pas de réponses finalement, et cela est une merveilleuse voie pour le travail artistique, peu m’importe que ces hypothèses soient les bonnes, elles sont une matière pour créer des dispositifs et des logiques de narration.
SPECTACLE
Renaître Animal
En partenariat avec Marionnettissimo, Odradek, MIMA, Le Périscope,
Usinotopie, Le Département DDAV31, La Digue-Compagnie111
Deux formes courtes seront présentées : Le songe du rhinocéros laineux dans
l’auditorium, suivie de L’ours du Muséum dans le hall.
Propos recueillis par Adèle Naudy, le 7 juin 2022